Inné ou Acquis? Comment expliquer les comportements problématiques des chiens?
« Demander si l’inné a plus d’importance que l’acquis pour définir les comportements d’un chien, équivaut à demander si la longueur est plus importante que la largeur pour définir une aire »
Impossible de retranscrire dans un court article le contenu de 20h de conférence de nos amis canadiens sur les patrons moteurs (par Claudine Prud’homme) et sur les neurosciences affectives (par Simon Gadbois). C’était dense, et il me faudra probablement encore les revisionner pour en intégrer plus de contenu (l’avantage du format web!). J’essaierai ici donc juste d’en extraire très brièvement quelques points qui me paraissent importants.
Tout d’abord qu’est ce qu’on entend par « patrons moteurs » ? En gros c’est la partie innée des comportements, celle qui n’est pas apprise, ne nécessite pas de pratique ou d’expérience préalable… ce sont des produits de l’évolution, de la génétique. Il y a cependant des variations au sein même d’une race selon la taille, la morphologie ou d’autres facteurs biologiques.
Ces comportements que l’on dira intrinsèques ont un déclencheur, et vont donner un avantage (survie) à l’animal. A côté on a les comportements acquis par les apprentissages, et puis il y a les comportements complexes (« émergents ») où on ne sait pas trop quelle est la part de l’inné ou de l’acquis. Ce sont généralement les comportements sociaux.
Les patrons moteurs se trouvent dans les types de comportements suivants : combat (agression, morsure…), fuite, acquisition de nourriture (ex. garde de ressources, prédation..) et reproduction. Généralement ce sont les comportements qui nous posent le plus de problèmes lors de l’éducation.
La sélection par l’humain pour créer des races de chien favorise certains patrons moteurs plus que d’autres selon les utilités de la race créée (bergers, gardiens, sauveteurs, différents chasseurs.…) mais il faut cependant toujours prendre en compte chaque individu en particulier.
Ce qu’il est important de retenir surtout, c’est que ces comportements sont «normaux» pour ces chiens, mais que bien souvent on ne les autorise pas du tout, on crie au scandale, on euthanasie.... Il faut donc de l’empathie pour comprendre cette normalité. Par exemple un chien mord dans certaines situations parce que c’est normal pour lui, donc on va anticiper et faire tout pour prévenir ces situations.
A noter aussi que la prédation est considérée comme un des patrons moteurs les plus difficiles à modifier.
Les plans d’entraînements pour travailler les comportements intrinsèques (un professionnel averti vous aidera à les définir) ne seront mis en place que si ça aide le chien à vivre dans notre société, sinon on peut se contenter de gérer la sécurité au quotidien.
Les patrons moteurs sont souvent l’expression d’émotions, et c’est là qu’entrent en jeu les neurosciences affectives. Il est intéressant de noter qu’au niveau académique le behaviorisme (Skinnerien) n’est plus vraiment d’actualité alors qu’il est très présent dans le monde du chien. La raison en est la difficulté à observer des variables telles que les émotions, les motivations, la mémoire… Leur étude en est pourtant possible.
Les parties du cerveau impliquées dans les émotions sont le système limbique, le système autonome (endocrinien) et le cortex. On retiendra en particulier le lien direct entre le bulbe olfactif et le système limbique, ce qui implique que les odeurs créent des émotions avant même que la cognition ne soit mise en œuvre. Aussi il faut retenir le lien entre les émotions et la mémoire.
Le rôle des hormones est bien plus complexe que sa description simpliste qui en est souvent donnée. Il est faux par exemple de parler de cortisol comme « hormone de stress » qu’il faut absolument éviter lors d’un entraînement. Le cortisol est une réponse au stress de longue durée (apparaît au bout d’au moins 20 minutes), mais il sert aussi à la récupération après le stress. L’adrénaline/noradrénaline sont, elles, les hormones immédiates de réponse aux situations de stress. L’excitation (arousal), ou l’exercice physique produisent aussi du cortisol et sont des états positifs.
Un point important est la notion de résilience, ou de récupération après un stress (coping system), qui nécessite une certaine exposition modérée au stress pour en activer les mécanismes et permettre une autorégulation. ( Même dans notre société humaine, ces dernières années on observe une diminution de la capacité à gérer le stress/anxiété chez les enfants/jeunes qui n’ont pas développé de résilience.)
J’ai été confortée de retrouver la présentation des systèmes émotionnels proposés par Panksepp, et notamment le SEEKING (ou anticipation, recherche – voir la dessus l’article du blog « le meilleur c’est l’avant goût) et son importance dans le système moteur des apprentissages. C’est une notion que j’essaie toujours d’expliquer à mes clients.
La théorie de Berridge parle de comportements/états appétitifs (Wanting system = motivation, correspond au « SEEKING » de Panksepp – lié à l’hypothalamus, dopamine) et de comportements/états de consommation (Liking system = plaisir, système de récompense, lié à l’amygdale, endorphines). L’alternance, « la danse », entre ces deux états permet les apprentissages efficaces.
Il y aurait encore beaucoup à extraire de ces 3 jours de conférence, mais l’idée étant de faire court (je n'ai vraiment pas voulu développer ici) je m’arrêterai là-dessus pour aujourd’hui, sans exclure de développer plus certains aspects pour d’autres articles ciblés. Ce qui est sûr c'est que le sujet est complexe!!! Merci à Claudine et Simon pour leur partage et merci à Jeremy et son équipe pour l’organisation de cet évènement.
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